Tout le monde le sait, Yoda parle « à l’envers » afin d’attirer l’attention sur un élément en particulier, placé, généralement, en début de phrase. Ainsi, quand il dit à Luke Skywalker « Ton père, il est », à propos de Dark Vador, il veut clairement insister sur le nom « père », car il sait que cette filiation est lourde de sens pour le jeune Jedi. Ce procédé, qui consiste à inverser l’ordre habituel des mots d’une phrase a un nom : l’anastrophe. Tout au long des épisodes de Star Wars, le personnage de Yoda s’exprime presque exclusivement au moyen d’anastrophes. Jugez plutôt : « Le côté obscur de la Force, redouter tu dois. » « T’aider, je puis. » « Personne par la guerre ne devient grand. » « Toujours en mouvement est l’avenir. » « Luke, quand je ne serai plus, le dernier des Jedi tu seras… » « Robuste je suis grâce à la Force, mais pas à ce point-là. » « À vos intuitions vous fier, il faut. » « Beaucoup encore il te reste à apprendre. » « Perverti par le côté obscur le jeune Skywalker s’est trouvé. » « Si tellement puissant vous êtes, pourquoi vous enfuir ? » Ainsi (re)tournées, les paroles de Yoda (« celui qui sait ») gagnent en solennité et en sagesse pour devenir de véritables préceptes. Le procédé n’est certes pas nouveau. Déjà, en 1670, Molière s’en amusait dans Le Bourgeois gentilhomme en tournant dans tous les sens une déclaration désormais célèbre : « D’amour mourir me font, belle marquise, vos beaux yeux. » Au cinéma, l’anastrophe ne se réduit pas aux répliques de maître Yoda, elle fleurit dans les titres de films comme De battre mon cœur s’est arrêté de Jacques Audiard (2005), Mon âme par toi guérie de François Dupeyron (2013), mais aussi dans les classiques La Belle au bois dormant et Autant en emporte le vent ! D’autres, vous en avez ? Lisez également notre dossier sur les figures de style. Sandrine Campese Publié par Sandrine