Robert et Larousse en désaccord Le verbe rouvrir est composé du verbe ouvrir, précédé d’un « r- ». Ce « r- » (que l’on trouve aussi sous la forme re- ou ré-) traduit l’idée de retour, de répétition. Le Petit Robert ne reconnaît que « rouvrir », le verbe signifiant « ouvrir de nouveau (ce qui a été fermé) ». On peut rouvrir une porte, un magasin, un débat… ou rouvrir tout court ! Jusqu’ici, tout va bien. Mais en consultant Le Petit Larousse illustré 2017, nous découvrons, à l’entrée « rouvrir » : « rouvrir ou réouvrir », le second terme apparaissant comme une variante du premier. Larousse a-t-il choisi de se conformer à « l’usage », quand bien même ce dernier serait controversé ? Pourtant, sur son site Internet, Larousse met en garde contre cet emploi qui a tendance à se généraliser : « Attention, dans l’expression soignée, et en particulier à l’écrit, on emploie rouvrir et non réouvrir. » Cautionnée par l’un des dictionnaires de référence, la forme « réouvrir » doit-elle être considérée comme fautive ? Comme toujours, l’étymologie va nous aider à y voir plus clair. Découvrez nos solutions en orthographe et en expression. Un « e » muet devenu sonore ? Si le verbe rouvrir et le nom réouverture ne sont pas formés de la même manière, c’est parce qu’ils ne sont pas apparus à la même époque. D’après cette publication du CSA, le verbe est le plus ancien des deux. Attesté au XIe siècle, il s’est d’abord écrit reouvrir : le « e » ne se prononçait pas. Au fil du temps, le préfixe re- s’est maintenu devant une consonne ou un « h aspiré » mais il est devenu « r- » devant une voyelle ou un « h muet » (rassurer, rhabiller). Voilà comment le « e » de reouvrir a disparu pour donner « rouvrir ». En revanche, pour former « réouverture », le plus moderne des deux, on a accolé le préfixe ré– au nom ouverture, sans plus de cérémonie ! Cette graphie a été attestée par l’Académie française en 1835. Re-, préfixe source d’hésitations… Ce n’est pas la première fois que le préfixe re- nous donne du fil à… retordre. Prenons le cas du verbe animer : on peut le transformer en « ranimer » ou en « réanimer », qui ont des sens différents. « Ranimer » a un sens plus large que « réanimer », le premier étant apparu avant le second. Ranimer signifie « redonner de la vie, de l’animation, de la vigueur, de la force », au sens propre comme au figuré (ranimer les troupes, ranimer la flamme). Par conséquent, mieux vaut réserver « réanimer » à la réanimation médicale. Autre maladresse courante : dire qu’on est « rentré » quelque part. Pour ce faire, encore faut-il en être sorti ! Après une journée de travail, on rentre chez soi, mais on ne fait qu’entrer dans bon nombre d’autres lieux : dans un musée, dans un pays étranger, dans la vie active… De même, nous ne « rajoutons » du sel à un plat que si nous en avons déjà ajouté au préalable ! Ce genre de distinction peut paraître superfétatoire, mais si l’on employait les bons mots, ils diraient bien plus de choses de nous ! Conclusion Nous pourrions conclure en disant que « rouvrir » est plus élégant, et cantonner « réouvrir » à l’usage populaire, mais il n’en est rien. En réalité, c’est « rouvrir » qui est la forme la plus simple et « réouverture » la forme la plus savante. Nous laisserons donc le dernier mot à l’Académie française. Dans la huitième édition de son Dictionnaire (1932-1935), elle ne reconnaît pas le verbe « réouvrir ». Pour savoir si son point de vue a évolué (ce qui nous étonnerait grandement), il faudra encore patienter. En effet, l’Institution s’est attaquée depuis peu à la lettre « r » ! Nous rouvrirons ce dossier dans quelques années… Lisez également sur ce blog : à trancher une bonne fois pour toutes : le pluriel de « amour », « orgue » et « délice » ; à trancher une bonne fois pour toutes : « continuer à » ou « continuer de » ; à trancher une bonne fois pour toutes : « un » ou « une » après-midi ? Sandrine Campese Publié par Sandrine