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Nom ou verbe ? Dix homophones à distinguer

En français, de nombreux mots se prononcent de la même façon. Seule l’orthographe les différencie. Bien souvent, ces homophones sont des noms, mais il n’est pas rare de rencontrer un nom et un verbe qui se ressemblent presque comme deux gouttes d’eau. Le verbe peut être conjugué ou à l’infinitif. Même s’ils n’ont pas la même nature, ces « faux frères » sont source de confusions. En voici quelques exemples.
Par Sandrine

Arête et arrête

Le nom arête vient du latin arista (barbe d’épi) et désignait d’abord la partie fine et longue d’un végétal. Par la suite, l’arête est devenue la tige du squelette des poissons et plus généralement une ligne d’intersection de deux plans (l’arête du nez, l’arête d’une montagne).

Le verbe arrêter, lui, prend deux « r », issus du préfixe ad-, devenu ar- devant le « r » du verbe restare (être immobile) qui a donné « rester ». Dans les deux mots, l’accent circonflexe sur le « e » est la trace de l’ancien « s » de l’ancien français areste (arête) et du latin arrestare (arrêter).

Empreinte et emprunte

Le nom empreinte vient du verbe empreindre, du latin imprimere qui a donné « imprimer ». Il désigne la « marque laissée par un corps qu’on presse sur une surface ». Au figuré, l’empreinte est une touche caractéristique imprimée dans un lieu ou dans une œuvre d’art : l’empreinte d’un auteur, l’empreinte de Dieu…

La confusion avec le verbe conjugué emprunte, de l’infinitif « emprunter », vient du sens figuré de ce verbe, « passer par une voie pour se déplacer ». Ce qui suppose d’y laisser son empreinte

Haltère et altère

Ce n’est pas un culturiste mais néanmoins un homme de culture, Rabelais, qui introduit en 1534 le nom haltère dans notre vocabulaire. Dans Gargantua, le géant éponyme fortifiait ses muscles en soulevant au-dessus de sa tête deux masses de plomb de 8 700 quintaux chacune que l’auteur nomma alteres.

Ce n’est que plus tard que le « h » a été ajouté en référence à la racine grecque du mot, halteres, « balanciers pour le saut, la danse », et afin de le distinguer de son homophone altère, issu de la conjugaison du verbe altérer.

Palier et pallier

Le pallium était un manteau dont les Grecs avaient l’habitude de se couvrir. On peut désormais l’admirer sur le pape. Vous ne voyez pas le rapport avec le verbe pallier ? Il est pourtant très étroit. Au sens propre, pallier consiste à couvrir d’un manteau (pallium) pour cacher, par exemple, ses défauts ! Mais en aucun cas il ne s’agit d’un remède véritable. Pour preuve, en médecine, « pallier un mal », c’est le guérir en apparence (d’où « soins palliatifs »).

Autre origine étonnante : c’est la « poêle » qui est à l’origine du palier, plate-forme située à chaque étage d’un escalier. C’est sans doute la « forme plate » de l’ustensile de cuisine qui explique cette étymologie.

Soufre et souffre

Minerai de couleur jaune clair très inflammable, le soufre dégage en brûlant une odeur suffocante. C’est pourquoi, dans l’Antiquité, l’odeur de soufre était associée au démon. Au figuré, on dit d’un écrit qu’il sent le soufre lorsqu’il semble inspiré par le diable.

Avec deux « f », souffre correspond au verbe « souffrir », dérivé du latin sufferre, où ferre signifie « porter ». Avant de caractériser une douleur physique ou morale, le verbe a d’abord été synonyme de « supporter » (ne pas souffrir quelqu’un) et de « permettre » dans le style ampoulé : « Souffrez, Madame, que je me mette ici à la place de mon père » (Molière, L’Avare).

Affaire et à faire

On distingue les locutions « avoir affaire » et « avoir à faire ». Toujours suivi de la préposition « à », avoir affaire signifie « être en rapport avec » (vous aurez affaire à moi). Avoir à faire signifie « avoir à réaliser » (j’ai un exercice à faire).

N.B. Affaire est au pluriel dans « chiffre d’affaires ». Ce dernier représentant le total de ventes effectuées pendant une année, il est forcément constitué de plusieurs affaires, d’où le « s » final !

Envoi et envoie

Dans envoie, on reconnaît envoyer, verbe du premier groupe : « (que) j’envoie », « (qu’) il envoie ». Écrire « j’envois » avec un « s » revient à conjuguer envoyer comme « finir », verbe du deuxième groupe.

On distingue la forme verbale envoie du nom envoi qui s’écrit sans « e ». Pour les différencier, il suffit de remplacer le terme qui pose problème par « expédie ». Si le sens de la phrase est conservé, il s’agit du verbe envoyer. Sinon, c’est « envoi » qui convient.

Face et fasse

Avec un « c », le nom face est issu du latin facies, « forme, aspect général », ce dernier étant passé en français après l’ajout d’un accent grave (faciès). Pour caractériser un être humain de manière neutre, on emploie désormais « visage ». « Face » perdure néanmoins dans les expressions « figurées » (c’est le cas de le dire !) comme « se voiler la face », « perdre la face », certaines pouvant être injurieuses (« face de rat », « dans ta face »).

Avec deux « s », la forme fasse correspond au verbe faire conjugué à la première ou à la troisième personne du présent du subjonctif : « que je fasse », « qu’il fasse ».

Mort et mord

Le « t » final de mort trouve sa justification dans le latin mortem, « cessation de la vie ».

Avec un « d », mord est le verbe mordre conjugué au présent de l’indicatif, à la troisième personne du singulier. La terminaison était déjà présente dans le verbe latin mordere, « entamer avec les dents », qui a produit l’italien mordere et l’espagnol morder.

Tort et tord

Dans tord, on reconnaît le verbe tordre conjugué à la troisième personne du présent de l’indicatif : « il tord ». Si je veux employer tort, ce sera, par exemple, sous la forme « il a tort » où tort est un nom qui peut s’écrire avec ou sans article : « avoir tort », « à tort », « en tort » / « reconnaître ses torts », « c’est un tort », « faire du tort »…

Certes, ces deux homophones ont la même racine : tort vient du latin tortum, lui-même issu de tortus signifiant « qui est tordu ». Mais ce n’est pas une raison pour les confondre !

Sandrine Campese

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Publié par Sandrine
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  • Avatar
    Christian
    15 décembre 2016 à 17 h 35 min
    Bonjour, Maitrisez l'horographe avec la certification voltaire est le livre à ne pas rater si, comme moi, on a un mal fou pour cette maitrise des plus complexe. Je l'ai en livre de chevet depuis un certain temps et me demande s'il existe un modèle supérieur destiné à ceux qui sont portés par l'écriture, étant moi même écrivain amateur, il me serait bien utile d'en apprendre plus sur les, allitérations, dérivation, polyptote et autre antithèse et oxymore. entre autres bien sûr. Merci.
  • Avatar
    Sandrine
    17 décembre 2016 à 21 h 18 min
    Bonsoir Christian, "maîtrisez l'orthographe", vous voulez dire ? Merci de nous donner votre avis sur cet ouvrage ! Le Projet Voltaire a pour objet la remise à niveau en orthographe, pas la stylistique :-). Vous trouverez néanmoins des articles plus "littéraires" sur ce blog. http://www.projet-voltaire.fr/blog/non-classe/antithese-oxymore-paradoxe-figures-de-style-opposition http://www.projet-voltaire.fr/blog/non-classe/alliteration-derivation-polyptote-figures-de-style-sonorite http://www.projet-voltaire.fr/blog/non-classe/antiphrase-euphemisme-litote-figures-style-attenuation Bonne lecture et bon week-end.
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    Jacques Rozenblum
    15 décembre 2016 à 17 h 18 min
    Bonjour Sandrine, Comme toujours un sujet intéressant, de ceux qui font partie des nombreuses difficultés de la langue française. ET la liste est longue effectivement des homophones comme vous l'indiquez. Pour ma part, je me suis intéressé à une autre catégorie de termes qui sont très proches, dans la graphie ou dans la prononciation, mais pas identiques. Par exemple, les dérivés de "blanc" : le blanchissement des cheveux, le blanchiment de l'argent sale et le blanchissage du linge ; question de goût : l’âcreté, l'acrimonie, l'alacrité et l'âpreté ; foule sentimentale : l'affection, l'affliction, l'affectation et... l'infection : circonvenir, circonscrire et... circoncire ; éminent, imminent et immanent ; exalter, exhaler et exulter ; humaniste, humanitaire et humanitariste ; imprudent, impudent et impudique ; luxe, luxure et... luxation ; pastiche, postiche et... potiche, etc. La liste est longue, et je l'allonge au fil de mes lectures. C'est bien pour ces nuances, cette finesse propice aux jeux de mots que nous aimons notre langue, n'est-ce pas ?
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    Sandrine
    17 décembre 2016 à 17 h 47 min
    Bonjour Jacques, j'avais justement dans l'idée de rédiger un article sur ce sujet ! Cela ne saurait tarder... Merci de vos suggestions toujours pertinentes. Bon week-end !

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