Arête et arrête Le nom arête vient du latin arista (barbe d’épi) et désignait d’abord la partie fine et longue d’un végétal. Par la suite, l’arête est devenue la tige du squelette des poissons et plus généralement une ligne d’intersection de deux plans (l’arête du nez, l’arête d’une montagne). Le verbe arrêter, lui, prend deux « r », issus du préfixe ad-, devenu ar- devant le « r » du verbe restare (être immobile) qui a donné « rester ». Dans les deux mots, l’accent circonflexe sur le « e » est la trace de l’ancien « s » de l’ancien français areste (arête) et du latin arrestare (arrêter). Empreinte et emprunte Le nom empreinte vient du verbe empreindre, du latin imprimere qui a donné « imprimer ». Il désigne la « marque laissée par un corps qu’on presse sur une surface ». Au figuré, l’empreinte est une touche caractéristique imprimée dans un lieu ou dans une œuvre d’art : l’empreinte d’un auteur, l’empreinte de Dieu… La confusion avec le verbe conjugué emprunte, de l’infinitif « emprunter », vient du sens figuré de ce verbe, « passer par une voie pour se déplacer ». Ce qui suppose d’y laisser son empreinte… Haltère et altère Ce n’est pas un culturiste mais néanmoins un homme de culture, Rabelais, qui introduit en 1534 le nom haltère dans notre vocabulaire. Dans Gargantua, le géant éponyme fortifiait ses muscles en soulevant au-dessus de sa tête deux masses de plomb de 8 700 quintaux chacune que l’auteur nomma alteres. Ce n’est que plus tard que le « h » a été ajouté en référence à la racine grecque du mot, halteres, « balanciers pour le saut, la danse », et afin de le distinguer de son homophone altère, issu de la conjugaison du verbe altérer. Palier et pallier Le pallium était un manteau dont les Grecs avaient l’habitude de se couvrir. On peut désormais l’admirer sur le pape. Vous ne voyez pas le rapport avec le verbe pallier ? Il est pourtant très étroit. Au sens propre, pallier consiste à couvrir d’un manteau (pallium) pour cacher, par exemple, ses défauts ! Mais en aucun cas il ne s’agit d’un remède véritable. Pour preuve, en médecine, « pallier un mal », c’est le guérir en apparence (d’où « soins palliatifs »). Autre origine étonnante : c’est la « poêle » qui est à l’origine du palier, plate-forme située à chaque étage d’un escalier. C’est sans doute la « forme plate » de l’ustensile de cuisine qui explique cette étymologie. Soufre et souffre Minerai de couleur jaune clair très inflammable, le soufre dégage en brûlant une odeur suffocante. C’est pourquoi, dans l’Antiquité, l’odeur de soufre était associée au démon. Au figuré, on dit d’un écrit qu’il sent le soufre lorsqu’il semble inspiré par le diable. Avec deux « f », souffre correspond au verbe « souffrir », dérivé du latin sufferre, où ferre signifie « porter ». Avant de caractériser une douleur physique ou morale, le verbe a d’abord été synonyme de « supporter » (ne pas souffrir quelqu’un) et de « permettre » dans le style ampoulé : « Souffrez, Madame, que je me mette ici à la place de mon père » (Molière, L’Avare). Affaire et à faire On distingue les locutions « avoir affaire » et « avoir à faire ». Toujours suivi de la préposition « à », avoir affaire signifie « être en rapport avec » (vous aurez affaire à moi). Avoir à faire signifie « avoir à réaliser » (j’ai un exercice à faire). N.B. Affaire est au pluriel dans « chiffre d’affaires ». Ce dernier représentant le total de ventes effectuées pendant une année, il est forcément constitué de plusieurs affaires, d’où le « s » final ! Envoi et envoie Dans envoie, on reconnaît envoyer, verbe du premier groupe : « (que) j’envoie », « (qu’) il envoie ». Écrire « j’envois » avec un « s » revient à conjuguer envoyer comme « finir », verbe du deuxième groupe. On distingue la forme verbale envoie du nom envoi qui s’écrit sans « e ». Pour les différencier, il suffit de remplacer le terme qui pose problème par « expédie ». Si le sens de la phrase est conservé, il s’agit du verbe envoyer. Sinon, c’est « envoi » qui convient. Face et fasse Avec un « c », le nom face est issu du latin facies, « forme, aspect général », ce dernier étant passé en français après l’ajout d’un accent grave (faciès). Pour caractériser un être humain de manière neutre, on emploie désormais « visage ». « Face » perdure néanmoins dans les expressions « figurées » (c’est le cas de le dire !) comme « se voiler la face », « perdre la face », certaines pouvant être injurieuses (« face de rat », « dans ta face »). Avec deux « s », la forme fasse correspond au verbe faire conjugué à la première ou à la troisième personne du présent du subjonctif : « que je fasse », « qu’il fasse ». Mort et mord Le « t » final de mort trouve sa justification dans le latin mortem, « cessation de la vie ». Avec un « d », mord est le verbe mordre conjugué au présent de l’indicatif, à la troisième personne du singulier. La terminaison était déjà présente dans le verbe latin mordere, « entamer avec les dents », qui a produit l’italien mordere et l’espagnol morder. Tort et tord Dans tord, on reconnaît le verbe tordre conjugué à la troisième personne du présent de l’indicatif : « il tord ». Si je veux employer tort, ce sera, par exemple, sous la forme « il a tort » où tort est un nom qui peut s’écrire avec ou sans article : « avoir tort », « à tort », « en tort » / « reconnaître ses torts », « c’est un tort », « faire du tort »… Certes, ces deux homophones ont la même racine : tort vient du latin tortum, lui-même issu de tortus signifiant « qui est tordu ». Mais ce n’est pas une raison pour les confondre ! Sandrine Campese Lisez aussi sur le blog : par contre, en revanche ? sardine, hareng, maquereau… les expressions héritées de Jean de La Fontaine. Publié par Sandrine