La métathèse, un jeu d’enfants… La métathèse consiste à permuter deux lettres qui sont proches à l’intérieur d’un mot. Les enfants transforment en métathèses des mots difficiles à prononcer. C’est le cas de spectacle avec la proximité des consonnes « s » et « p » puis « c » et « t ». Notez qu’au passage, le premier « c » a disparu. Mais pour simplifier la prononciation, les plus jeunes vont jusqu’à ajouter des lettres ! C’est ainsi que le crocodile devient « crocrodile ». Histoire de bien enfoncer le croc, enfin, le clou, signalons que « crocodile » est déjà la métathèse de l’ancien français cocodrille, forme toujours en vigueur en Espagne (cocodrilo) et en Italie (coccodrillo). La publicité n’est pas la seule à utiliser la métathèse pour s’adresser aux enfants (ou plutôt à leurs parents), le cinéma la pratique aussi. Par exemple, le titre du dessin animé Winnie l’ourson et l’Éfélant repose sur une métathèse, et permet également de nommer un animal imaginaire qui a tout l’air d’un éléphant mais qui n’est pas un éléphant ! Déconseillé aux grands La métathèse n’est-elle qu’une affaire d’enfants ? Malheureusement, non ! Les adultes en raffolent, mais dans leur bouche, la métathèse devient une faute nommée barbarisme. Parmi les plus courantes : « aéropage » au lieu d’aréopage, « carapaçonner » au lieu de caparaçonner, « infractus » au lieu d’infarctus, « inoptiser » au lieu d’hypnotiser, « rassénérer » au lieu de rasséréner, « rénumérer » au lieu de rémunérer. Les métathèses s’adressent aussi aux adultes, en témoigne le titre de la comédie policière Le Crime farpait qui détourne Le crime était presque parfait d’Alfred Hitchcock. C’est aussi un clin d’œil à la bande dessinée Astérix : dans l’album Les Lauriers de César, Obélix, ivre, répète plusieurs fois l’adverbe « farpaitement ». Enfin, la métathèse est à la base d’un texte humoristique (précisons que l’Université de Cambridge n’a jamais mené pareille étude) qui tente de démontrer que « l’ordre des lettres dans un mot n’a pas d’importance ». Pour vous en convaincre, il suffit de lire ce texte : Vous l’avez déchiffré sans problème ? Bravo, vous voilà maître ès métathèses ! Découvrez nos solutions en orthographe et en expression. Employée dans le langage courant ! Les métathèses ne sont pas toutes enfantines ou « barbares », certaines se sont lexicalisées, c’est-à-dire qu’elles sont entrées dans notre langue. Les trois exemples suivants ont tous trait à la chère (ce qui ne manquera pas de réveiller l’appétit d’Obélix) mais ce n’est que pur hasard : Le nom fromage est la métathèse de formage en ancien français, du latin formaticus, « fait dans une forme ». En effet, le fromage est un aliment moulé. En permutant le « r » et le « o », le mot s’est éloigné de son sens originel, encore perceptible dans la « fourme », que l’italien formaggio a conservé. La brebis s’écrivait berbis en ancien français, du latin berbix. Lorsque vous parlez d’un « fromage de brebis », vous offrez à votre interlocuteur deux métathèses pour le prix d’une ! Enfin, gourmet, métathèse de groumet, était à l’origine le valet chargé de conduire les vins. Le mot a certainement opéré sa mutation sous l’influence de « gourmand ». Notez que l’anglais groom provient de la même racine. En conclusion, si vous dites que « le gourmet aime le fromage de brebis », vous réalisez un « combo » de trois métathèses, à replacer lors d’un dîner entre la poire et… le fromage ! Lisez également sur ce blog : ce qu’il faut savoir sur les figures de style ; nos fautes courantes en français. Sandrine Campese