L’anacoluthe On appelle « anacoluthe » une rupture dans la construction d’une phrase. Lorsqu’elle est volontaire, c’est une figure de style. Lorsqu’elle est involontaire, c’est une faute de syntaxe. L’anacoluthe est fréquente dans la littérature, et particulièrement la poésie. La plus belle est contenue dans les deux derniers vers de L’Albatros, magnifique poème de Baudelaire, tiré des Fleurs du mal (1861) : Exilé sur le sol au milieu des huées,Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. La plus célèbre se trouve dans Les Pensées de Pascal : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en eût été changée. » Ici la phrase commence par un groupe de mots (le nez de Cléopâtre) qui semble être sujet, mais qui perd cette fonction dans la suite de la phrase. En dehors de cet usage rhétorique, l’anacoluthe est une faute qui consiste à commencer une phrase d’une certaine manière et à la finir autrement. La plus courante clôt maladroitement nos correspondances : « En espérant avoir de vos nouvelles, veuillez agréer mes salutations distinguées. » Il y a une rupture entre « en espérant » et « veuillez agréer ». Le sujet sous-entendu de « en espérant » est l’auteur de la lettre. La construction correcte est donc : « En espérant avoir de vos nouvelles, je vous prie d’agréer… » La catachrèse La catachrèse consiste à étendre la signification d’un mot au-delà de son sens propre. Concrètement, c’est une métaphore ou une métonymie dont l’usage est si courant qu’elle n’est plus sentie comme telle. Les nombreux exemples parlent d’eux-mêmes : le bras de mer, du fauteuil ; le pied de table ; les ailes du moulin, de l’avion, du bâtiment ; la tête d’un clou ; le cul-de-lampe ; la laine de verre ; la feuille de papier ; la plume du stylo ; le manteau de cheminée ; une dent qui se déchausse ; habiter des cages à lapins ; essuyer une tempête ; prendre un bain de soleil… Et lorsque nous disons que nous surfons ou que nous naviguons sur la Toile, nous utilisons, devinez quoi ? Une catachrèse ! Pas sûr que le capitaine Haddock, qui appréciait déjà peu les conversations téléphoniques, aurait vu Internet d’un très bon œil… Lisez aussi sur ce blog : apprenez à jurer comme Molière ; les plus belles figures de style. Sandrine Campese Publié par Sandrine