Sommaire Des pléonasmes à bannir En une heure de temps Une heure, c’est déjà une unité de temps, une période, une durée. Par conséquent, on sait déjà qu’on ne mesure pas autre chose. Si on supprime cette précision, cela nous empêche-t-il de comprendre la phrase ? « En une heure, j’ai rangé ma chambre » : pas d’ambiguïté, j’ai passé une heure à ranger ma chambre (et je n’ai sûrement pas perdu mon temps !). Optimiser au mieux Dans « optimiser », on reconnaît l’adjectif optimal, c’est-à-dire « le meilleur possible ». Optimiser, c’est déjà rendre quelque chose meilleur : une organisation, une qualité, un résultat, une condition… On remplace par : « optimiser » tout court ou « faire au mieux », « utiliser au mieux ». S’entraider mutuellement Le verbe s’entraider est composé du verbe aider et du préfixe entre-, qui contient déjà cette idée de réciprocité. Quand deux amis connaissent des difficultés l’un et l’autre, ils s’entraident. C’est un échange. On remplace par : « s’entraider » tout court ou « s’aider mutuellement », car l’aide peut être fournie dans un seul sens (dans ce cas la précision apportée par l’adverbe « mutuellement » est utile). Prévoir à l’avance Le préfixe pré- (avant) nous met sur la voie : pré-voir, c’est déjà « voir à l’avance ». De même, dans les expressions « prédire l’avenir », « prévenir d’avance », « préparer à l’avance », la même idée est répétée. On évite aussi : « pronostic futur » et « projet d’avenir », le préfixe pro- jouant un rôle similaire. Panacée universelle Dans sa chanson Le Sirop Typhon, Richard Anthony loue « l’universelle panacée ». Or, la panacée est déjà un remède universel, capable de guérir tous les maux, de résoudre tous les problèmes. Littéralement donc, panacée universelle signifie « remède universel universel ». Notons au passage que le préfixe grec pan-, présent dans « panacée », veut dire « tout ». Ainsi, le « pantophobe » est celui qui a peur de… tout ! On évite aussi : « la panacée de tous les maux » et « une panacée qui guérit tout ». Loin de nous l’idée d’incriminer Richard Anthony ! De grands auteurs ont aussi employé « panacée universelle ». Jugez plutôt :« Il n’y a pas de panacée universelle pour le chagrin. » (Chateaubriand)« Ce cabinet où résidait la panacée universelle, le crédit. » (Balzac)« Il n’entendait rien à la médecine et appliquait ce maudit émétique à tous les maux. C’était sa panacée universelle. » (Colette) Collaborer ensemble Dans « collaborer », on reconnaît le préfixe latin cum-, qui signifie « avec, ensemble », et le verbe laborare. Littéralement, donc, « collaborer ensemble » signifie « travailler ensemble ensemble » ! On dira, tout simplement, que telle et telle personne « ont collaboré » à tel projet ou « ont travaillé ensemble ». On évite aussi : « se concerter ensemble » et « convenir ensemble » (le préfixe latin cum- est également présent dans ces deux verbes). Opposer son veto Le latin veto signifiant « j’interdis », « je m’oppose », l’expression « opposer son veto » revient à dire « j’oppose mon opposition ». On remplace par : « mettre son veto » à telle décision ou « s’opposer » à telle décision. Au jour d’aujourd’hui C’est sans doute l’un des pléonasmes les plus employés mais aussi l’un des plus agaçants. Dans « aujourd’hui », l’ancien français hui veut dire jour, par conséquent « au jour d’hui » est déjà un pléonasme. Dans au jour d’aujourd’hui, il y a trois fois « jour », soit « au jour du jour de ce jour ». On remplace par : « aujourd’hui » pour le jour où l’on est et « actuellement », « de nos jours » quand on parle de notre époque. S’avérer vrai Le verbe avérer contient déjà l’adjectif vrai (sous sa forme latine verus). Par conséquent, s’avérer signifie « apparaître comme vrai ». Voilà pourquoi s’avérer vrai est un pléonasme. Il est néanmoins possible de faire suivre « s’avérer » d’un autre adjectif. Le verbe prend alors le sens de « se révéler ». Exemple : « l’affaire s’est avérée rentable ». Quant à « s’avérer faux », c’est un contresens, aussi peu fréquentable que le pléonasme ! On remplace par : « être vrai » ou « se révéler vrai ». On évite aussi : « s’avérer exact » et « vérité avérée ». Différer à une date ultérieure Différer veut dire « remettre à un autre moment ». À défaut de pouvoir voyager dans le passé, on se doute bien que ce sera à une date ultérieure (qui arrive après). Voilà une précision dont on se passera bien volontiers ! On évite aussi : « ajourner à plus tard », « reporter à plus tard » et « renvoyer à plus tard ». Un hasard imprévu Quoi de plus imprévu que le hasard ? Au Moyen Âge, le hasard désignait un jeu de dés, mais également le coup heureux à ce jeu, c’est-à-dire le six. Mais comme tout ce qui tient du jeu est incertain, « hasard » a fini par impliquer l’idée de risque puis d’événement fortuit et sans cause. On évite aussi : un hasard incertain, un hasard fortuit. On remplace par : « hasard » tout court ou « circonstance imprévue », « événement imprévu ». Joindre ensemble Le verbe joindre signifie déjà « mettre des choses ensemble, de façon qu’elles se touchent ou qu’elles tiennent ensemble ». Si je veux, par exemple, « joindre l’utile à l’agréable », il faut bien que je mette les deux ensemble. On évite aussi : « lier ensemble », pour les mêmes raisons. On remplace par : « joindre » tout court ou « mettre ensemble ». Une autre alternative Le nom alternative contient le préfixe latin alter- qui signifie « autre ». Par définition, parler d’une « autre alternative » constitue un pléonasme. Quant aux expressions « deux alternatives » et « double alternative », elles supposent deux fois deux possibilités, soit quatre possibilités ! On remplace par : « une autre possibilité » ou « une autre option ». Tous sont unanimes L’adjectif unanime vient du latin unanimus, de unus (un) et anima (esprit). Est « unanime » ce qui « exprime un avis commun à tous » (une réprobation unanime) ou qui « est fait par tous, en même temps » (un éclat de rire unanime). Comme vous pouvez le constater, « tous » est déjà présent dans la définition de « unanime » ! Alors, à quoi bon l’ajouter ? On remplace par : « ils sont unanimes (à penser) » ou simplement « tous pensent que… ». On évite aussi : « unanimité totale ». Un même pied d’égalité Cette expression est un pléonasme puisqu’elle contient deux fois l’idée d’égalité, à travers l’adjectif indéfini même et le nom égalité ! En réalité, il s’agit du télescopage de deux expressions synonymes, « sur un pied d’égalité » et « sur un même pied », qui signifient que deux personnes traitent d’égal à égal, sans différence hiérarchique. On remplace par : « sur un pied d’égalité » ou « sur un même pied ». Il suffit juste « Suffire », c’est déjà « avoir la juste quantité ». On évitera donc de dire, par exemple, « Il suffit juste de s’inscrire », l’idée de « limitation » étant énoncée deux fois. On remplace par : « Il suffit de (s’inscrire) » ou « Il faut juste (s’inscrire) ». On évite aussi : « Il ne faut juste que ». Exemple : « Il ne faut juste qu’une pincée de sel » au lieu de « Il ne faut qu’une pincée de sel » ou « Il faut juste une pincée de sel ». Découvrez nos solutions en orthographe et en expression. Des pléonasmes tolérés Tourner en rond Ici, le pléonasme donne au verbe un sens figuré. Si je dis simplement « je tourne », on peut penser que je pivote sur moi-même (sous-entendu, « je me tourne »), voire que je tourne dans le quartier pour chercher une place (sous-entendu « je tourne le volant »). « Je tourne en rond » signifie que je perds mon temps, que je stagne, que je n’avance pas (dans une situation, dans la vie…). D’ailleurs on peut tout à fait « tourner en rond » sans se déplacer, assis sur une chaise ! La marche à pied Cette précision prête à sourire, n’est-ce pas ? Sur quoi d’autre que vos pieds voudriez-vous marcher ? Les mains, peut-être, mais ce n’est pas très « courant »… Et pourtant ! Le mot marche, employé sans précision, n’est pas systématiquement associé aux pieds. Par exemple, si je dis « Attention à la marche ! », il s’agit de la marche de l’escalier. Autre exemple, une machine qui « marche » n’utilise pas ses pieds, elle se contente de fonctionner. En disant, « marche à pied », pas de doute possible, on parle bien de balade ou de randonnée… pédestre ! Voir de ses yeux Le verbe voir a un sens assez large. En effet, il ne sollicite pas qu’un sens. Vous suivez ? Imaginons que vous êtes dans une parfumerie. Un ami essaie un parfum qu’il semble apprécier. « Fais voir ! », lui demanderez-vous peut-être. Ici « fais voir » veut dire « fais sentir ». De même, quand vous dites « Il me semble avoir déjà vu ça quelque part… », peut-être l’avez-vous simplement entendu. En revanche, si vous dites « je l’ai vu de mes yeux », on comprend que vous avez été le témoin oculaire d’une scène. C’est dans ce souci de précision que déjà Vaugelas, grand grammairien du XVIIe siècle, considérait que « voir de ses yeux » était « fort bien dit ». Enfin, « voir de ses yeux » peut être utilisé comme figure de style, ce que fait Molière dans Le Tartuffe quand il écrit : « Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu. » Applaudir des deux mains Comme pour « tourner en rond », ce qui est, en apparence, un pléonasme, donne un sens figuré au verbe applaudir. Applaudir, tout court, c’est faire l’action de taper ses mains l’une contre l’autre pour produire un son. Applaudir des deux mains, c’est apprécier chaudement, sincèrement, sans forcément faire de geste. On peut applaudir des deux mains en les ayant dans les poches. L’inverse pourrait être : applaudir du bout des doigts. Voire même Jusqu’au milieu du XIXe siècle, « voire » avait le sens de « vraiment », conformément à son origine latine verus, « vrai ». Souvenez-vous, le verbe s’avérer, que nous avons précédemment épinglé dans la tournure pléonastique « s’avérer vrai », a la même racine. Par conséquent, « voire même » signifiait « vraiment même ». Mais après que « voire » a pris le sens de « et même », on a considéré, en toute logique, que « voire même » était un pléonasme (« et même même »). Toujours est-il que ce pléonasme est toléré par l’Académie française et par Larousse qui indique : « La locution est devenue si courante que l’interdit qu’avaient jeté sur elle quelques puristes paraît aujourd’hui dépassé. » On remplace (si on le souhaite) par : « voire » tout court ou « et même ». Et voilà, désormais ces pléonasmes ne sont plus qu’un mauvais cauchemar ! Oups… ! Sandrine Campese Publié par Sandrine