Ferrat – Aragon En 1975 donc, Jean Ferrat s’inspire du vers de Louis Aragon pour composer sa chanson La femme est l’avenir de l’homme, qui servira de titre à son album. Placer la femme en tête de phrase, comme sujet et non comme attribut, c’est lui rendre davantage honneur, a dû penser le chanteur. C’est surtout que le vers original n’aurait pas pu rimer avec « royaume » ou « pomme » ! Bien entendu, Jean Ferrat cite sa source, précisant dans sa chanson « Je déclare avec Aragon : “La femme est l’avenir de l’homme.” » Gainsbourg – Verlaine Deux ans auparavant, Serge Gainsbourg, grand amoureux de la langue française, avait rendu hommage à Paul Verlaine dans son titre à succès Je suis venu te dire que je m’en vais. Il l’aurait composé durant un séjour à l’hôpital, suite à un premier infarctus. Le poème Chanson d’automne, un des plus fameux de Verlaine publié dans les Poèmes saturniens en 1866, apparaît par bribes. On retrouve les expressions « je m’en vais », « vent mauvais » et « sanglots longs ». Gainsbourg n’hésite pas à prendre quelques libertés avec le texte initial. Sous sa plume, « tout suffocant et blême, quand sonne l’heure » devient « tu suffoques, tu blêmis à présent qu’a sonné l’heure » ; « Je me souviens des jours anciens et je pleure » devient « Tu te souviens des jours heureux et tu pleures ». À l’instar de Jean Ferrat, Gainsbourg salue l’artiste qui l’a inspiré : « Comme dit si bien Verlaine », chante-t-il à plusieurs reprises. Clerc – Desbordes-Valmore Quelle belle idée a eue Julien Clerc de mettre à l’honneur une poétesse malheureusement peu connue du grand public : Marcelline Desbordes-Valmore ! Cette femme, qui a vécu une vie jalonnée de drames entre 1786 et 1859, est une autodidacte, admirée de Balzac, qui a laissé à la postérité des vers magnifiques. Les paroles de la chanson Les Séparés, qui figure sur l’album de Julien Clerc sorti en 1997, sont directement tirées de son poème N’écris pas. Dix ans plus tard, c’est au tour de Benjamin Biolay de reprendre et le poème et la musique de Julien Clerc pour saluer cette grande dame. Lavoine – Apollinaire C’est en 2001 que Marc Lavoine entonne Le Pont Mirabeau, qui n’est autre que le titre d’un poème de Guillaume Apollinaire, issu du recueil Alcools (1913). Le chanteur aux yeux bleu clair, qui a également composé la musique de ce morceau, reprend l’intégralité des vers du poète. Mais Marc Lavoine n’est pas le seul à avoir eu cette idée ! Avant lui, Léo Ferré et Serge Reggiani ont perçu le potentiel mélodique de ce texte. Même le quatuor Pow woW en a proposé une version a cappella ! Ridan – du Bellay Dix ans plus tard, Nadir Kouidri, mieux connu sous le pseudonyme de Ridan (Nadir à l’envers), compose une chanson intitulée Ulysse. Sa particularité ? Elle met en musique le célèbre sonnet de Joachim du Bellay, Heureux qui comme Ulysse, tiré du recueil Les Regrets (1558). En voici le refrain : « Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village, fumer la cheminée et en quelle saison reverrai-je le clos de ma pauvre maison, qui m’est une province, et beaucoup davantage ? ». Poète de la Pléiade, du Bellay est notamment connu pour avoir ardemment promu l’usage du français au XVIe siècle dans son manifeste Défense et illustration du français. Lisez également notre article sur les mots de la musique. Sandrine Campese Publié par Sandrine