Explorer la langue française
Article

À la carte, à la mode, amuse-bouche... Ces expressions françaises dont les Anglais raffolent

L’emprunt de la langue anglaise au français est considérable : 63 % des termes anglais ont une origine française, soit 37 000 termes au total. Cette fois-ci, nous vous proposons un inventaire des expressions françaises que les Anglais utilisent telles quelles, par précision, par élégance voire par snobisme. Ces « gallicismes », comme on les appelle, revêtent un charme tout particulier quand ils jaillissent au milieu d’une phrase, et nous rendent, il faut bien le reconnaître, assez fiers.
Par Sandrine

À la carte

Au restaurant, on a généralement la possibilité de choisir un menu à prix unique, qui comporte plusieurs plats, ou de commander des plats « à la carte » avec des prix individuels. Ce concept a été introduit en Angleterre par le chef français Georges Auguste Escoffier quand il dirigeait les cuisines de l’hôtel Carlton de Londres au début du XXesiècle.

Ce que disent les Anglais : It’ll have to be the à la carte menu for me; I’ve got a terrible craving for truffles. (Ce sera un menu à la carte pour moi, j’ai une folle envie de truffes.)

À la mode

Même si les Anglais disposent de l’adjectif fashionable, ils trouveront plus élégant d’utiliser le gallicisme « à la mode ». Outre-Manche, le lien entre la France et la mode s’est établi sous le règne de Louis XIV. Pour l’aristocratie britannique, la cour du Roi Soleil était l’épicentre du bon goût. Non seulement elle a tenu à s’approprier ses codes vestimentaires, mais aussi ses tournures de phrase dont « à la mode » !

Ce que disent les Anglais : Can I suggest these divine little ankle boots, madam? Python-skin platforms are so à la mode(Puis-je vous suggérer ces divines bottines, madame ? Les plateformes en peau de python sont très à la mode.)

Amuse-bouche

L’amuse-bouche, qui sert à réveiller les papilles avant l’arrivée de l’entrée, ne figure pas « à la carte » puisqu’il est toujours choisi par le chef, selon son humeur et son inspiration. Ce concept de « petites bouchées apéritives » est apparu avec le mouvement de la nouvelle cuisine, qui fait la part belle aux petites portions élégamment présentées, aux saveurs intenses et aux associations surprenantes. Notons que c’est bien de l’« amuse-bouche » et non de son équivalent familier et argotique « amuse-gueule » qu’on se régale outre-Manche.

Ce que disent les Anglais : Tonight, mademoiselle, we have an amuse-bouche of green pea and mint sorbet in a crisp parmesan tuile.(Ce soir, Mademoiselle, nous vous proposons en guise d’amuse-bouche un sorbet aux petits pois et à la menthe dans une tuile croustillante au parmesan.)

Bête noire

À l’origine, notre bête noire est notre pire ennemi, notre pire cauchemar, la personne ou la chose qui nous répugne, que l’on déteste le plus. Avec le temps, l’expression s’est adoucie. Elle désigne désormais tout ce qui peut être gênant ou irritant. Au Projet Voltaire, nous aimons bien dire que le participe passé est la « bête noire » des francophones, par exemple ! En Angleterre, on utilise aussi l’expression « bête noire » pour qualifier, lors d’une compétition sportive, un adversaire particulièrement redoutable.

Ce que disent les Anglais : Melissa liked to relax while she had her highlights done. Chatty hairdressers were her bête noire. (Melissa aimait se relaxer pendant qu’elle faisait faire ses mèches. Les coiffeurs bavards étaient sa bête noire.)

Blasé

D’après les Anglais, l’adjectif français « blasé » vient d’un mot hollandais, blasen, qui signifie « gonfler ». En effet, on est blasé par quelque chose quand on en a été « rempli » en quelque sorte, jusqu’à l’explosion… Le désir ne peut plus être assouvi. Il en résulte une attitude désintéressée, nonchalante, qui peut être très agaçante ou décevante pour l’entourage. Les Anglais ont bien à leur disposition l’équivalent indifferent(mot qu’ils partagent également avec les Français), mais « blasé » est sans doute more relevant(plus pertinent) !

Ce que disent les Anglais : By the time she reached the eighth gallery Matilda was feeling blasé about the Old Masters and was much interested in finding the coffee shop. (Au moment de visiter le huitième musée, Matilda se sentait blasée par les vieux maîtres et était plus motivée par la recherche d’un café.)

Bon mot

En anglais, un « bon mot » est une blague ou une remarque pleine d’esprit. L’expression a dépassé les frontières de l’Hexagone vers 1730 pour devenir un moyen de décrire comment la haute société française du XVIIIsiècle se divertissait. C’est d’ailleurs le sujet du film Ridicule de Patrice Leconte. Outre-Manche, l’écrivain Oscar Wilde a parsemé ses œuvres de bons mots et a ainsi perpétué la tradition française. Malheureusement, un certain nombre de bons mots sont devenus des « clichés » (un autre gallicisme apprécié des Anglais !) à force d’être employés. Mais il est toujours possible d’en inventer d’autres !

Ce que disent les Anglais : If you spent as much time studying as you dedicate to delivering bons motsto your classmates, Stevens, you might one day be able to graduate. (Si tu passais autant de temps à étudier que tu en passes à lancer des bons mots à tes camarades, Stevens, tu pourrais être capable d’obtenir un jour ton diplôme.)

Carte blanche

D’origine militaire, cette expression est apparue dans le courant du XVIIIesiècle. Aux termes d’un conflit, l’armée victorieuse écrivait ses conditions sur un morceau de papier vierge. L’armée qui s’était rendue n’avait plus qu’à s’y plier ! De nos jours encore, la carte blanche confère un pouvoir total à celui ou celle qui la reçoit symboliquement. La personne à qui l’on donne carte blanche a les mains libres pour choisir et décider ce que bon lui semble !

Ce que disent les Anglais : Sarah stared at the orange wallpaper in horror. She knew she should never have given Francisco carte blanche with the choice of decor. (Sarah regarda avec effroi le papier peint orange. Elle savait qu’elle n’aurait jamais dû donner carte blanche à Francisco pour le choix du décor.)

C’est la vie

Cette phrase, que l’on dit après une difficulté ou une déception, équivaut, en anglais à « That’s life » ou encore « That’s juste the way life goes » (Ainsi va la vie). En France, on continue à l’utiliser, même si elle a tendance à se ringardiser. En Angleterre, elle a encore de la vitalité, bien que concurrencée par des expressions amusantes comme « That’s the way the cookie crumble » (littéralement : « C’est comme ça que le cookie s’émiette. »).

Ce que disent les Anglais : « Come on, Tony, you’ve got to put that French girl out of your mind and move on. » (Allez, Tony, tu dois te sortir cette Française de la tête et passer à autre chose.) « I know, Dave, but everywhere I turn there’s something French that reminds me of her. » (Je sais, Dave, mais où que j’aille il y a un truc français qui me fait penser à elle.) « C’est la vie. »

Cordon bleu

Au XVIesiècle, un cordon bleu (blue ribbon en anglais) était décerné par les rois de la dynastie des Bourbons aux chevaliers du plus haut rang. L’expression est passée telle quelle dans le vocabulaire anglais au cours des années 1720 pour désigner une distinction nobiliaire, avant d’investir le domaine culinaire. Depuis lors, elle sert à faire l’éloge d’une cuisine de haute qualité. En 1827, un livre de recettes intitulé Le Cordon bleu ou Nouvelle Cuisinière bourgeoisea été le premier à utiliser cette locution dans ce contexte. Quand la « Cordon bleu school » (l’école du Cordon bleu) a été créée à Londres en 1933, l’expression est entrée dans le dictionnaire culinaire anglais et s’est répandue dans la haute société.

Ce que disent les Anglais : « Peter stood back and admire his creation. It wasn’t exactly cordon bleubut it didn’t look too bad now he’d sliced off the burnt bits. » (Peter recula pour admirer sa création. Ce n’était pas exactement « cordon bleu », mais ça n’avait pas trop mauvaise allure depuis qu’il avait supprimé les parties brûlées.)

Déjà-vu

Cette expression, que l’on pourrait traduire en anglais par already seen, décrit la sensation d’avoir déjà vécu une situation qui se déroule en réalité pour la première fois. Elle est d’abord apparue dans la traduction française du livre Psychopathologie de la vie quotidienne de Sigmund Freud, publié en 1901. Pour le fondateur de la psychanalyse, le « déjà-vu » serait le souvenir d’une rêverie subconsciente. Les Anglais comme les Français se servent de cette expression pour qualifier ce phénomène inexpliqué, et l’emploient également lorsqu’un événement présent est similaire à un autre événement qui s’est déroulé dans le passé.

Ce que disent les Anglais« Homeowners watched interest rates rise with an unnerving sens of déjà-vu. » (Les propriétaires regardaient les taux d’intérêt avec une impression troublante de déjà-vu.)

Derrière

Le derrière est l’une des parties du corps humain que l’on peut nommer de multiples façons ! La plupart de ces mots sont arrivés dans la langue anglaise au XVIIeet au XVIIIesiècle : des termes d’argot, des euphémismes, parmi lesquels behind.Dès lors, on ne sait pas trop comment le gallicisme « derrière » a atterri dans la langue anglaise ! Est-ce parce que certaines personnes, comme les servantes et les enfants, parlaient le français ? Ou peut-être que le terme français paraissait tout simplement moins vulgaire que des équivalents anglais comme arse, bumet backside, qui signifient, dans la langue de Voltaire, « cul » !

Ce que disent les Anglais : « I don’t know what I’m going to do with that budgie. I bent down to pick up some seeds that had dropped from its cage and it leant through the bars and pecked me on the derrière. » (Je ne sais pas quoi faire avec cette perruche. Quand je me suis baissé pour ramasser des graines qui étaient tombées de sa cage, elle s’est penchée à travers les barreaux pour me picorer le derrière.)

Du jour

L’expression « du jour » (of the day en anglais) s’emploie de deux manières. D’abord au restaurant, à propos d’un plat fraîchement préparé qui n’est disponible qu’un jour à la carte, par exemple « a soup du jour » (une soupe du jour). Plus récemment, il s’utilise au sens large pour qualifier quelque chose de très récent (very now, diraient les Anglais), dont la popularité sera de courte durée. En ce sens, « du jour » serait synonyme de « du moment ». Dans les tabloïds anglais, enfin, l’expression française « femme du moment » désigne la dernière girlfriend en date de tel ou tel playboy qui, décidément, a du mal à s’engager !

Ce que disent les Anglais : « Monique had slept through her alarm on the morning of the Paris Fashion Show, but she thanked her lucky stars as she caught sight of the catwalk. Un-brushed bed hair was apparently the look du jour. » (Monique n’avait pas entendu son réveil le matin de la « Paris Fashion Show », mais elle remercia sa bonne étoile quand elle aperçut le podium. Les cheveux ébouriffés façon « saut du lit » étaient apparemment le look du jour.)

Source : Chloe Rhodes, A certain je ne sais quoi, Words we pinched from other languages, Michael O’Mara Books Limited, 2015.

Sandrine Campese

Lisez également notre article sur ces mots anglais qu’on utilise au travail.

Publié par Sandrine
Vous êtes perdu ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas affichée.
Les champs obligatoires sont marqués d’un « * ».


  • Avatar
    CHRISTINE MORGAN
    6 août 2018 à 13 h 59 min
    Toujours très intéressant et vous nem'en voudrez pas de mentionner une petite faute en anglais, sans doute de frappe, il manque un petit 't' Ce que disent les Anglais : It’ll have to be the à la carte menu for me - de plus avec 'It' au lieu de 'I' on aurait tendance à utiliser la forme entière de 'will' pour une prononciation plus facile.
  • Avatar
    Valentin Dorgal
    6 août 2018 à 16 h 24 min
    Bonjour Christine, nous vous remercions de votre vigilance. La coquille en question a été rectifiée. Bonne fin de journée.
  • Avatar
    Laurent
    9 juillet 2018 à 11 h 57 min
    Aie !!! Puis-je vous suggérer ***ses*** divines bottines, madame ?
  • Avatar
    Sandrine Campese
    9 juillet 2018 à 12 h 03 min
    Oh là là ! ;-)

Retrouvez le Projet Voltaire dans votre poche !

"Application utile et instructive.

Sa plus grande qualité c'est son accessibilité à toutes les personnes de tous niveaux en français. Les services proposés allient parfaitement bien le rapport qualité prix. J'apprécie cette application parce qu'obtenir son certificat Voltaire est un bonus essentiel à mettre sur son CV où tout simplement pour avoir le plaisir de parler et d'écrire le français correctement."

Harinavalona R
⭐⭐⭐⭐⭐