Sommaire « Ils se sont succédés » au lieu de « Ils se sont succédé » Certes, à l’école, nous avons tous appris qu’on accordait le participe passé avec le sujet quand il était employé avec être. Mais c’était compter sans les verbes pronominaux, construits avec un pronom réfléchi (me, te, se, nous, vous, se). Ceux-là jouent les trouble-fête ! Pour savoir s’il faut accorder leur participe passé, il faut se demander quelle est la fonction du pronom réfléchi. S’il est complément d’objet direct (COD), le participe passé s’accorde avec le sujet. S’il est complément d’objet indirect (COI), le participe passé ne s’accorde jamais avec le sujet. Pour mettre au jour un COD ou un COI, mieux vaut assurer ses arrières en posant la question « qui / quoi ? » ou « à qui / à quoi ? » après le verbe. « Qui / quoi ? » introduira un COD. « À qui / à quoi » introduira un COI. Ici, ce sera : « Ils ont succédé à qui ? », « à se », c’est-à-dire l’un à l’autre. Puisque la question est « à qui?? », « se » est bien COI. Donc pas d’accord ! Si l’on est un crack en grammaire, on saura que « se succéder » est transitif indirect (on succède à quelqu’un), ce qui signifie qu’il se construit avec un COI. Un verbe transitif direct se construit avec un COD, et un verbe intransitif n’a pas de complément. Par exemple, le verbe parler entre dans les trois catégories : Je parle / Je parle chinois / Je parle à ma mère. « Réverbatif » au lieu de « rébarbatif » Tendez l’oreille ! Pour qualifier quelque chose d’ennuyeux, de désagréable, il n’est pas rare d’entendre que c’est « réverbatif » ! Loin de nous l’idée de jeter la pierre à celles et ceux dont la langue fourche : ils évitent inconsciemment une prononciation malaisée, en raison de la proximité des syllabes « bar » et « ba ». Certes, le mot « barbare », lui, n’est pas particulièrement difficile à prononcer, mais dans « rébarbatif », qui est plus long, on commence par le préfixe « ré », qui fait toute la différence. Par confort, par souci de rapidité, donc, on glisse naturellement vers la prononciation fautive « réverbatif », familière, puisque nous avons déjà le… « réverbère » ! En disant « réverbatif », on passe à côté de l’origine du mot, et donc de son sens. Dans « rébarbatif », qui est la seule forme correcte, transparaît le nom barbe. Quel rapport, me direz-vous ? L’adjectif s’est d’abord appliqué à une personne à la barbe revêche, qui rebute par son apparence. Puis il a pris le sens figuré de « difficile et ennuyeux » (une tâche rébarbative, un discours rébarbatif). Le lien avec la barbe s’est un peu distendu, bien qu’il reste manifeste dans l’expression exclamative « La barbe ! » « La situation s’est empirée » au lieu de « La situation a empiré » Eh non, le verbe empirer n’existe pas à la forme pronominale ! On ne peut donc pas le faire précéder du pronom réfléchi se (ici sous la forme élidée s’). Pour le formuler encore autrement, « s’empirer » n’existe pas ! On dira donc que la situation a empiré (et non « s’est empirée »). Retenez que la situation est déjà bien assez grave sans qu’on ajoute un « s’ » ! De plus, c’est bien l’auxiliaire avoir – et non être – qui permet de conjuguer ce verbe aux temps composés. Enfin, le verbe empirer est généralement intransitif, c’est-à-dire qu’il se construit sans complément. On dira que l’état du malade empire, c’est-à-dire qu’il « devient pire ». On pourra dire aussi qu’il s’aggrave, se dégrade, se détériore… Le Petit Robert signale l’usage « rare » du verbe empirer suivi d’un complément, pour dire « rendre pire ». Ainsi, à la tournure « le traitement empire sa maladie », on préférera « aggrave sa maladie ». Découvrez nos solutions en orthographe et en expression. « Il faut que l’on se voit » au lieu de « Il faut que l’on se voie » De nouveau, cette règle en surprendra plus d’un(e), tant il est fréquent de lire, dans les courriels et les SMS : « Il faut que l’on se voit. » Or, dans cette phrase, l’action n’est pas encore réalisée au moment où l’on parle. Votre interlocuteur exprime une volonté, une nécessité : celle de se voir. L’entrevue aura-t-elle vraiment lieu ? Nous n’en savons rien à ce stade ! Voilà pourquoi on ne peut employer l’indicatif (ici, « voit »), car c’est le mode du réel, de l’action qui est en train de se passer. Mais alors, que dire ? qu’écrire ? Voie, avec un « e » final, qui correspond au subjonctif, mode du virtuel, de l’action non encore réalisée. Pour ne plus vous tromper, remplacez le verbe par un autre dont la forme diffère, à l’oreille, entre l’indicatif et le subjonctif. Par exemple, prendre ou faire. Ce qui donne, ici, « il faut que l’on se prenne », « il faut que l’on se fasse » d’où… « il faut que l’on se voie ». « Omnibuler » au lieu de « obnubiler » Quel joli mot que le verbe « obnubiler », au regard de son étymologie ! Dommage qu’il soit si souvent malmené. Comme pour « rébarbatif », plus haut, c’est par commodité qu’on l’écorche. Et en pensant à un autre mot proche : « omnibus » ! Voilà comment « obnubiler », forme correcte, devient « omnibuler » voire « omnubiler », formes incorrectes. Un joli mot, je vous le disais, qui est constitué du mot latin nubes signifiant « nuage ». À cette racine (pourtant céleste !) s’ajoute le préfixe ob- signifiant « devant ». On le retrouve, d’ailleurs, dans le nom objet, littéralement « jeter devant » ! Ob + nubes, « devant » + « nuage », nous y sommes : être obnubilé, c’est être couvert de nuages. On est obsédé par quelque chose ou quelqu’un, à tel point que cela obscurcit nos pensées, nos sentiments… Rien à voir, donc avec le préfixe omni-, que l’on retrouve dans « omnibus »et qui signifie « tout », encore moins avec « omnu- », inconnu au bataillon ! « Nous avons convenu » au lieu de « Nous sommes convenus » Vous vous êtes certainement demandé comment employer le verbe convenir : avec l’auxiliaire être ou avoir ? Traditionnellement, on distingue deux cas. Quand le verbe convenir signifie « être approprié, utile, agréable », il se construit avec avoir. Exemple : « Jusque-là cette fonction m’a convenu. » Quand convenir signifie « se mettre d’accord », il se construit avec être. On dira donc : « Elles sont convenues de se revoir mardi », « Nous sommes convenus que vous parlerez le premier ». C’est en tout cas ce que préconise l’Académie française. Et les dictionnaires ? Ils acceptent les deux. Ainsi, Le Petit Robert donne comme exemple : « Elles ont convenu d’un lieu de rendez-vous. » Quant au Petit Larousse, il réconcilie les deux visions en distinguant le registre courant (ils ont convenu d’un jour pour se rencontrer ; il a convenu de son erreur) du registre soigné (ils sont convenus d’un jour pour se rencontrer ; il est convenu de son erreur.). « Je t’appelle depuis Marseille » au lieu de « Je t’appelle de Marseille » Avis de disparition ! Mais où est donc passée la préposition « de » qui introduit un complément circonstanciel de lieu ? Tendez l’oreille, elle est systématiquement remplacée par « depuis », qui doit pourtant être suivi d’un complément circonstanciel de temps ! On évitera donc de dire « Je t’appelle depuis Marseille », et l’on préférera « appeler de Marseille ». Seule tolérance, indique l’Académie française : si le complément circonstanciel de lieu se rapporte à un verbe en mouvement, on peut employer « depuis ». Exemple : « Depuis Marseille, nous avons roulé sous le soleil. » De même, avec « jusqu’à » : « La France s’étend, du nord au sud, depuis Calais jusqu’à Perpignan. » Dans tous les autres cas, notamment dans notre exemple, c’est « de » ! « Une augmentation conséquente » au lieu de « une augmentation importante » Autre maladresse, l’emploi de « conséquent » pour dire « important », en particulier quand il est question d’argent. Pour comprendre, il faut revenir à la définition de conséquent : « qui suit une logique ». Ainsi, quand on est « conséquent avec ses principes », on agit, on raisonne en conformité avec ses principes, en accord avec soi-même. La notion de quantité n’a donc pas sa place ici ! Et pourtant, on entend régulièrement parler d’une « augmentation conséquente », par exemple, là où l’on pourrait dire importante, élevée, considérable, notable… Ici aussi, que disent les dictionnaires ? Pour Le Petit Robert, l’emploi de conséquent pour important est « critiqué ». Sa première attestation remonte pourtant à 1780 ! Larousse déconseille cet usage « dans l’expression soignée », préférant les « équivalents » que nous avons cités plus haut. « Participer de » au lieu de « participer à » Les deux constructions existent, mais elles n’ont pas du tout le même sens ! Dans les médias, on entend fréquemment des déclarations comme : « Cette crise participe de l’appauvrissement de la société. » Oui, mais non ! Ici, c’est bien « participer à » qui convient. On pourrait aussi dire « prendre part à », « contribuer à ». La tournure correcte est donc : « Cette crise participe à l’appauvrissement de la société. » Et « participer de », alors ? C’est une vieille tournure littéraire, attestée dès 1544, d’après Le Petit Robert, et qui connaît un regain de vitalité, dans une forte tendance à l’hypercorrection de la langue (s’exprimer de manière « trop correcte », et finalement incorrecte à force de trop vouloir parler ou écrire de façon irréprochable). Elle est à réserver aux cas où vous voulez dire que quelque chose « présente une similitude avec », « relève de ». Exemples : « Ce spectacle participe du cirque et du music-hall », « Toute littérature participe d’une civilisation ». On pourrait dire « avoir trait à », « être issu de ». Vous redoublerez donc de vigilance quant à la préposition qui suit « participer ». Le « mouvement » n’est pas le même : avec « à », en quelque sorte, on apporte, on ajoute quelque chose à quelque chose d’autre ; avec « de », on retire, on extrait quelque chose de quelque chose d’autre. À noter que le verbe participer peut très bien se construire « absolument », c’est-à-dire sans complément. Il signifie alors « prendre part aux activités d’un groupe » et s’emploie beaucoup dans le domaine scolaire. On dira fréquemment d’un élève qu’il doit « participer » en cours. « Pallier à un problème » au lieu de « pallier un problème » Le verbe pallier a une particularité, souvent méconnue : il est directement suivi d’un complément. On peut pallier un manque, pallier une difficulté, pallier un problème… mais pas « pallier à quelque chose ». Certes, on dit « remédier à », mais ce n’est pas le même verbe et il n’a pas le même sens ! En effet, dans le langage médical, « pallier un mal », c’est le guérir en apparence. C’est ainsi que l’on parle de « soins palliatifs ». En aucun cas, il ne s’agit d’un remède véritable. D’ailleurs, l’étymologie de pallier est très explicite : à l’origine de ce verbe, il y a le pallium, ce manteau dont les Grecs avaient l’habitude de se couvrir et que le pape porte encore ! Au sens propre, pallier consiste donc à « couvrir d’un manteau » pour cacher, dissimuler quelque chose. Enfin, le verbe pallier s’écrit avec deux L. Si vous l’écrivez avec un seul L, il s’agit du palier, la plate-forme située à chaque étage d’un escalier ! Lisez aussi sur ce blog : 10 erreurs de français que l’on commet à son insu ; fautes d’orthographe et erreurs courantes. Sandrine Campese Publié par Sandrine